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« Ça va refaire boum boum boum ! »

Prenons soin de nous. Agnès Bailly, psychanalyste, continue à nous éclairer sur les angoisses qui peuvent toucher nos enfants en cette période et comment y répondre intelligemment.

Depuis le confinement, les enfants de maternelle et de primaire qui ne sont pas branchés sur les réseaux sociaux avec leurs propres Smartphones sont privés de leurs camarades. Quant à leurs parents, outrageusement transformés en enseignants, ils sont trop là. Mais où sont les autres ?

« Je veux aller à l’école ! » hurlait à l’autre bout du téléphone ce petit garçon de 5 ans confiné avec sa mère. « Je vais craquer, je commence déjà à me craquer ! » disait-il en jouant de l’équivoque de la langue. Sa mère lançait à son tour : « C’est moi qui vais craquer ! »
De nombreux enfants se plaignent de ne faire que travailler à la maison et de ne même plus avoir le temps de jouer. En l’absence d’extériorité, l’Autre parental est devenu omniprésent. Les enfants peuvent refuser ce qu’ils ressentent comme un « pouvoir » démultiplié des adultes sur eux. Et éprouver tout spécialement de la colère pour la personne dont on est très dépendant, ça peut parfois faire craquer, enfants comme parents.

Une mère demandait à sa fille de 8 ans en vidéo si ça n’était pas trop dur de ne pas aller à l’école.
– « Je sais pas… j’aime pas trop faire l’école à la maison… parce que pénible ! » lui répondait-elle quelque peu gênée.
– Sa mère insistait : « Qu’est-ce qui est pénible ? »
– « Toi ! » laissait-elle échapper honteusement. Elle venait de s’entendre dire un point de vérité intime qu’elle n’avait sans doute jamais formulé ainsi et qui plus est, face caméra.
Plus que jamais, les parents comme les frères et sœurs risquent bien d’être le réceptacle de tout un tas d’affects que les enfants ne peuvent plus adresser au dehors. Même si nous savons qu’amour et haine vont de pair, comment faire pour ne pas trop prendre cela contre soi ?

« Même ma pire ennemie, j’aimerais la voir et lui faire des câlins ! » me confiait une adolescente qui s’ennuyait à mourir chez elle, coupée des histoires conflictuelles en chair et en os avec ses camarades de classe. Leurs échanges vidéo ne remplaçaient pas la présence des corps qui rend une relation vivante. « De toutes les façons, ça va recommencer comme avant et ça va refaire boum boum boum ! » me disait-elle se rassurant pour la suite. Car pour elle, le conflit c’est la vie.
Plus les pulsions sont confinées, plus elles cherchent à sortir. Et il ne vaudrait mieux pas qu’elles attendent le déconfinement pour ce faire !

Agnès Bailly, psychologue psychanalyste, 75010 Paris
Membre de l’École de la Cause freudienne